La méthode heuristique des mathématiques (MHM) : une nouvelle méthode dans la classe des Ce2-Cm1.

Une nouvelle méthode : pourquoi ?

Les mathématiques sont de plus en plus présentes dans notre quotidien et souvent sans que nous nous en apercevions. Cependant malgré leur omniprésence, les résultats des élèves dans cette matière en France sont de plus en plus médiocres selon les derniers résultats des évaluations internationales1 de ces dernières années. Les performances des élèves en mathématiques tendent à régresser de façon significative depuis plusieurs années dans l’hexagone alors que d’autres pays ont vu leurs résultats progresser de manière tout aussi significative. Quoi de plus surprenant à cela quand un ancien ministre de l’Education Nationale, Luc Ferry, déclare que les mathématiques ne servent à rien au quotidien 2 …A ces propos, deux collégiennes lui ont adressé une réponse via une vidéo dont vous trouverez le lien ci-dessous3 .

Il n’est pas rare d’entendre autour de nous « Moi je suis nul en Maths ». En effet, beaucoup ont un rapport très négatif aux maths et sont persuadés de ne pas avoir de prédispositions pour cette matière, ce à quoi Cédric Villani répond : « je pense que ces prédispositions seraient plus naturelles si on prenait le temps de bien enseigner les maths. On a eu le tort, pour rendre cette matière plus attractive, d’en simplifier les concepts et d’en réduire le volume d’enseignement. Tout ce qu’il ne fallait ! Car du même coup, on donne moins de temps aux élèves pour se mettre en confiance avec ce langage, on ne leur permet pas de se forger des raisonnements et, en réduisant la quantité d’exercices, on a supprimé l’entrainement, qui est la seule chance qu’on a de s’immerger là-dedans4 ».

Cette image très négative que notre société dans sa grande majorité véhicule à propos de cette matière, confère une image très élitiste et une attitude défaitiste vis-à-vis des mathématiques qui s’imprègnent inconsciemment dans l’esprit des élèves. Comment inverser ce rapport envers les maths et en faire une discipline scolaire attractive pour le plus grand nombre ? la MHM serait-elle une réponse à ces problématiques ?

  1. Comment inverser la tendance de ces résultats ?

a- La réponse officielle du ministère de l’Education Nationale

Face à ces résultats inquiétants des élèves en mathématiques, il est nécessaire de ne pas stigmatiser les enfants en les rendant uniquement responsables de cette baisse générale de la moyenne dans cette matière. En effet il parait primordial pour le corps professoral de questionner sa pratique d’enseignement dans ce domaine et donc d’essayer de trouver des outils pour tenter de renverser la tendance.

Les mathématiques à l’école, c’est avant tout une histoire de programmes officiels. Ceux de 2015 ont changé l’approche des mathématiques par rapport à ceux de 2008. Ils s’appuient sur 6 compétences majeures : chercher, modéliser, représenter, calculer, raisonner, communiquer alors que le découpage des programmes de 2008 se centrait sur quatre domaines mathématiques : nombres et calcul, géométrie, grandeurs et mesures, gestions et organisation des données. Les derniers programmes introduisent davantage de liens, de croisements des enseignements (avec la géographie, les sciences…) et mettent la résolutions de problèmes au cœur de l’ensemble des programmes. Les aspects les plus techniques ont été laissées de côté au profit de la réflexion. Cette tendance a été confirmée par l’ajustement des programmes en 2018 par des recommandations pour le calcul mental et la résolution de problèmes. Ces mêmes recommandations précisent les orientations pédagogiques et apportent des clarifications pour un enseignement rigoureux et progressif de ces domaines mathématiques fondamentaux5.

1 https://www.education.gouv.fr/cid109652/timss-2015-mathematiques-et-sciences-evaluation-internationale-des-eleves-decm1.html

2 https://huit.re/declarationferry

3 https://www.youtube.com/watch?v=oYGUn7bJXn0

4 Cédric Villani, article de coopération, 4 décembre 2012.

5 https://huit.re/fichesfocus

b– La MHM

La méthode heuristique de mathématiques se présente comme une réponse parmi d’autres et propose d’enseigner les maths autrement, de repenser la façon de mener les séances au quotidien. Sans prétendre faire des miracles, elles possède ses avantages et ses inconvénients. Elle se veut pragmatique et adaptée aux cours doubles niveaux. Elle est accessible à tous et n’est pas construite à partir du niveau d’un élève lambda mais elle a été testée par des dizaines de classes en France et évaluée positivement . Cette méthode est pensée sur le cycle complet à l’école du CP au Ce2, puis sur le Cm1-Cm2.

La conviction du concepteur de cette méthode (Mr Nicolas Pinel), est que l’enseignement des maths doit être renouvelé et mis en place dès le plus jeune âge. Pour lui, un élève doit sortir de l’école primaire avec un sentiment de réussite en mathématiques et une appétence pour cette discipline. Il faut donc leur redonner l’envie.

  1. En quoi consiste cette nouvelle méthode ?

La méthode est née à la rentrée scolaire 2014. D’abord testée dans 3 classes cette année-là, elle le fut ensuite dans 22 classes en 2015-2016 et 96 classes en 2016-2017. La MHM s’est construite sur une base solide qui constitue le cœur de la méthode. Elle tient en trois points : un socle de fondamentaux, des bases scientifiques et didactiques, une pédagogie au service de l’enseignement des mathématiques.

a- Un socle de fondamentaux

Par fondamentaux, il faut entendre :

– Des valeurs, éducabilité et bienveillance qui sont au cœur de toute pratique enseignante ;

– Une réflexion sur l’évaluation au centre de toute démarche d’enseignement ;

– Un redéfinition du rôle des enseignants dans la classe, mais aussi des parents.

Ces fondamentaux peuvent sembler évidents, cependant non seulement en faire le rappel est nécessaire mais il est primordial d’en faire une réalité quotidienne de la classe en remettant à plat le rôle de chacun.

b– Des bases scientifiques et didactiques

Un enseignement rénové des mathématiques doit être construit sur des bases didactiques et pédagogiques solides, à partir des recherches actuelles. Il faut notamment s’appuyer sur les apports récents des neurosciences. La MHM est donc une synthèse pragmatique des sciences de l’éducation, des connaissances en psychologie cognitive, en neurosciences et en didactiques des mathématiques.

c- Une pédagogie au service des mathématiques

La MHM soutient que la rénovation de cet enseignement doit se faire par une mise en œuvre pédagogique différente, dynamique et active. Les outils des enseignants doivent donc être repensés ainsi que d’autres modalités de travail pour permettre à l’élève de changer son regard sur les mathématiques et pour entrer dans des apprentissages exigeants.

Pour plus de détails sur ces fondamentaux, sur les bases scientifiques et didactiques ainsi que sur la pédagogie au service des mathématiques, consulter le livre de l’auteur de la MHM1 . (Ces sujets pourront aussi faire l’objet d’un futur article sur le site internet de l’école Saint Vincent de Paul. )

3- L’évaluation de la méthode a- Quelques statistiques

Cette méthode ne prétend pas être « la » méthode mais elle se veut aussi scientifique que possible. Son efficacité a été évaluée de plusieurs façons, non par de vrais chercheurs, mais sous la forme d’évaluations des élèves à divers moments de l’année ou sous la forme d’un questionnaire pour les enseignants en fin d’année.

Les résultats de ces évaluations de mars 2017 donnent les chiffres suivants dans ce tableau : Méthode (778 élèves) Hors méthode (555 élèves) Ecart Numération 84.6% 75.3% +9.3% Calculs 79.8% 73.9% +5.9% Géométrie et mesure 77.7% 74.3% +3.4% Résolution de problèmes 67.5% 60.4% +7.1%

1 N. Pinel, la méthode heuristique des mathématiques, enseigner les mathématiques autrement à l’école, Nathan 2019


Méthode (778 élèves) Hors méthode (555 élèves) Ecart
Numération 84.6% 75.3% +9.3%
Calculs 79.8% 73.9% +5.9%
Géométrie et mesure 77.7% 74.3% +3.4%
Résolution de problèmes 67.5% 60.4% +7.1%

D’autres évaluations ont eu lieu depuis 2017 et confirment les résultats ci-dessus qui s’avèrent être significativement supérieurs pour les utilisateurs de la méthode MHM.

En plus des retours quantitatifs positifs, il faut ajouter des retours qualitatifs venant aussi bien des enseignants ayant mis en œuvre cet méthode que des élèves qui l’ont testée. Il en ressort les points suivants de la part des professeurs :

– Efficacité pérenne de la méthode sur la compréhension du nombre ;

– L’impact des différents types de handicap (élèves reconnus MDPH, élèves -dys, élèves non-lecteurs…) est important en mathématiques, mais les élèves progressent avec la méthode au lieu de s’enliser dans leurs lacunes.

– Le rapport aux mathématiques évoluent très positivement dès les premières semaines : les élèves déclarent aimer faire des maths, réclament cette séance et s’investissent.

b- Première bilan de la MHM dans la classe de CE2-CM1 de l’école Saint Vincent de Paul.

Après une période, finalement assez brève, de découverte et d’apprivoisement de la méthode, les élèves de cette classe de double niveau et de double cycle ont montré des signes enthousiastes vis-à-vis des mathématiques. L’adhésion à cette « nouvelle » façon de faire des maths est unanime chez les enfants. Ils réclament et attendent avec impatience chaque jour leur séance quotidienne, et les 5 heures hebdomadaires officielles prévues au programme de cette matière, leur paraissent insuffisant tant ils sont demandeurs. En effet ils ont découvert une façon différentes de faire des maths par le biais d’activités ritualisées et ludiques (la méthode propose de nombreux jeux et beaucoup de manipulation pour enraciner les divers apprentissages). Tout cela est très encourageant pour l’enseignant. Ci-dessous photos d’élèves prises lors de différents ateliers.

Qui dit manipulation, dit aussi matériel nombreux. La mise en œuvre de cette méthode requiert un travail de préparation matérielle conséquente mais dont le jeu en vaut la chandelle tant il permet aux élèves d’entrer dans les apprentissages de façons plus concrète. Ci-dessous quelques photos d’un partie du matériel utilisé (calepin des nombre, abaques, cartons Montessori, balance, des dés 6 et 10 faces, nombreux jeux mathématiques, jeux de cartes…)

Conclusion

Le premier bilan de cette nouvelle méthode apparait nettement positif sur de nombreux points comme mentionnés ci-dessus. De plus, les résultats des premières évaluations sont eux aussi encourageants mais devront évidemment être confirmés dans les semaines à venir.

« L’année mathématique » s’annonce sous les meilleurs auspices. Espérons que les promesses avancées par cette nouvelle méthode ne déçoivent pas nos attentes. Cependant il faut le répéter, même si une méthode parait très bonne, elle n’est pas porteuse de miracles et ne peut se voir couronner de succès qu’avec le travail et la participation de chacun, du corps enseignant, des élèves et des parents qui ont chacun un rôle majeur à jouer dans la réussite scolaire des enfants.

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